Archives

Le bateau Neptune Gagner avec Parkinson arrivé à Auckland pour la 2e étape de l’Ocean Globe Race !

Neptune Auckland

Le samedi 16 décembre 2023, après 40 jours 19 heures 14 minutes et 42 secondes de course, Neptune – Gagner avec Parkinson a passé la ligne de la 2e étape de l’Ocean Global Race en 7e position sur 13 bateaux. Le légendaire plan André Mauric de 60 pieds, Neptune qui a participé à la seconde Whitbread en 1977, continue d’écrire son histoire sur ce tour du monde en équipage avec escales. Cette aventure sportive est aussi humaine ; parmi l’équipage, Bertrand Delhom, atteint de la maladie de Parkinson, réalise son rêve de marin, entouré d’une équipe médicale et d’un skipper, Tanneguy Raffray, médecin ophtalmologiste, à l’origine du projet. L’objectif est de sensibiliser à la connaissance d’une maladie neurologique chronique, dégénérative, incurable, et mal connue : celle de Parkinson.

Neptune équipage morbihannais

Ils portent le masque Indien.

Après 7 864 milles parcourus à travers l’Indien, les amarres sont frappées sur le solide ponton du port d’Auckland. Neptune est à quai après 40 jours de mer. Les dix membres de l’équipage, encore en tenue de bal de haute mer, passent par-dessus les filières du pont et posent leurs bottes sur le bois dur. Ils ont encore du vague à l’âme en souvenir du ciel bariolé des aurores australes. Ils titubent un petit peu en posant les pieds sur le continent des antipodes.

Face à eux, fiancés, parents, amis les dévisagent, d’abord en silence. Ils n’ont pas la face réjouie comme à l’arrivée de la première escale de Capetown, celle de l’Atlantique. Les hourras sont plus discrets. La place, le classement, n’ont rien à voir avec ce qu’ils ressentent à cet instant magique. Ils sont heureux, réfléchis, penseurs, habités par une joie grave et profonde. Ils portent le masque buriné de l’Indien. Leur histoire vécue entre deux mondes peine à s’exprimer. Leur exaltation est encore mêlée de paix, en même temps de gravité, et aussi d’orgueil. Celle du bonheur d’avoir dompté l’océan des quarantièmes. Un albatros passe. Ils ont grandi. Vient le temps des enlacements.

Neptune reprend sa route après l’escale forcée Port Elisabeth.

Trois jours après avoir quitté Capetown, départ de la seconde étape, le gouvernail ne Neptune « fait des siennes ». La décision est prise : ne prendre aucun risque, tenter de réparer à Port Elizabeth par les moyens du bord. Toujours en course, avec 250 milles de retard sur la flotte, Neptune remet le cap vers l’Est. Vaillamment. Au milieu de l’océan, sous spi au vent arrière, la nuit est tombée. Sur la table à carte faiblement éclairée, Tan le skipper prend ses notes : « Neptune a repris sa route. Pas facile pour nos jeunes barreurs surtout la nuit. Nous sommes engagés sur une course au Lièvre sans savoir où sont nos adversaires. Nous faisons partie d’une petite communauté flottante, à la poursuite de la meute, avec ses maniaqueries, ses rites, ses espoirs. »

 

« L’indien, tu nous domines. »

Quelques jours plus tard, alors que le temps est maniable l’Indien frappe un grand coup à la porte de la descente. Un grain blanc tapi dans l’ombre des dépressions, soulève en quelques minutes une furie de temps. Le vent passe de 15 à 60 nœuds. Tan écrit plus tard : « Toi l’Indien, tu nous imposes ta loi. Tu nous en as fait baver à nous les petits gars protégés de Neptune. Tu nous domines. Par ta violence, ta rage au ventre, tu nous as attaqué par surprise, nous couchant, alors que nous sommes toutes voiles dehors avec un bon 50 nœuds. En quelques minutes tu nous as collé comme une grande baffe. Grand-voile et génois affalés, Neptune est en vrac, puis en fuite éperdue sous son foc numéro 3 (petit foc). Tes grains blancs resteront dans nos mémoires, nous les redoutons. Le lendemain, remis de nos émotions, toujours en fuite, nous avons savouré ta fureur en observant les crêtes des vagues qui déferlent sur l’arrière, cinq mètres au-dessus de nous. Hier encore, tu as réussi à faire la peau de notre deuxième spi que tu as sauvagement attaqué. »

À la poursuite du point G.

La course poursuite de Neptune continue de plus belle avec des journées à 200 milles. Petit à petit, il grignote du terrain sur la meute. La vigilance est de mise pour parer les marques fictives du parcours et les laisser au sud. Avec l’interdiction d’utiliser le GPS, le sextant sort de sa précieuse boite, capitonnée, étanche. À Tan de viser le soleil et de fixer le fameux point G sur la mer immense. Il écrit : « 4 h 32, ce matin Pierre est venu me réveiller prudemment. C’est l’heure. Je me lève en silence, m’habille en tenue de combat, essuie soigneusement les filtres des miroirs du sextant, celui de l’œilleton, regarde longuement la carte pour noter le point estimé, et m’élance sur le pont. Tout est gris couleur de plomb, le ciel est bas et uniforme comme au mois d’aout quand on passe le chenal du Four en Bretagne par grande chaleur. Ça va être dur, mais il faut absolument situer le point G, marque de passage obligé. Le soleil voilé joue à cache-cache avec les nuages et avec ma patience. Enfin, trois petites mesures semblent bonnes. Je finirai même par choper la culmination. Descendu à la table à cartes, après des minutes de calcul et d’angoisse, je triomphe : nous sommes juste au-dessus du point G. Merci Neptune ! »

Dans cet océan le plus souvent musclé, le petit temps et ses calmes peuvent aussi sévir, mettant les nerfs à dure épreuve. Il fait partie de la course, et c’est parfois l’occasion de faire le check up du bateau, pont et gréement ; et de mettre de l’ordre dans les emménagements intérieurs secoués à 30° à longueur de temps ! Tan écrit : « Hier l’océan s’est calmé. Le vent a d’abord refusé, puis il a disparu, nous laissant comme des orphelins. Alors le branle-bas est sonné. Ouvrir les écoutilles de pont, partout. Mettre le chauffage à fond. Sortir les cirés, les bottes. Empoigner la balayette. Sur le pont et jusqu’en haut du mât de 23 mètres, checker, puis, checker encore. Ainsi, merci la Molle, on est bien injuste quand on te maudit ! »

Neptune voilier morbihannais FRA-515

Crédit photo: OGR 2023 / Aïda Valceanu

Le projet Neptune dédié à ceux qui ont besoin d’espoir

Dans cet équipage en bataille depuis plus de trois mois, Bertrand a trouvé sa place. Pour cette seconde étape, il a mis plus que tout autre, la main à la cuisine et remplacé chaque nuit un homme de quart pour lui permettre de dormir davantage. Le cockpit de manœuvre et de barre est son univers. La plage avant n’est pas son fief. L’équilibre parfait est nécessaire pour travailler sur le pont secoué par la mer. Qu’importe, du point de vue des équipiers qui l’entourent, sa mission est atteinte. Stéphane Gras, le second, jubile : « Il est véritablement monté sur pile Wonder, sa capacité de résistance est incroyable ! ». Et Tan d’écrire : « La présence de Bertrand à nos côtés est émouvante. Sa discrétion, malgré les difficultés, étonne et suscite une réflexion sur le sens de la vie. Il nous enseigne à nous, mais également à ceux qui sont frappés par la maladie et qui suivent l’aventure de Neptune, que la générosité, le don de soi, peuvent changer des existences. Ensemble, nous avons saisi la chance de l’embarquer : celle de créer un projet dédié à ceux qui ont besoin d’espoir. Il s’agit sans doute pour moi de la plus grande satisfaction pour un soignant, même si elle comporte un risque ! »

Songe d’une nuit d’été

Après trois semaines de cavalcades, Neptune est revenu dans le peloton. Il retrouve le soleil, passe le cap Reinga qui balise la pointe de le Nouvelle Zélande, longe l’île du nord, et finit à la septième place. Tan, navigateur et skipper devant l’éternel, écrit peu avant l’arrivée : « En 1977, il y a quarante-six ans, j’avais placardé une photo de Neptune sur le mur de ma chambre d’adolescent. Cette nuit, elle est apparue dans mes songes avec un magnifique spi portant la figure barbue du Dieu qui nous accompagne. »

Daniel Gilles

Danierl Golles, qui ose vivra ! Le premier Tour du Monde à la Voile avec Parkson

Un podcast qui vous propose de vivre cette aventure hors normes, grâces aux témoignages de l’équipage, éclairés ensuite par des échanges avec deux professionnels de santé du CHU de Rennes, spécialistes du sujet: Docteur Hanta – neurologue et Docteur Thirion – Gériatre.

Merci à la fondation d’entreprises IRCEM, qui soutient le projet, merci également au Gérontopôle de Bretagne, au LivingLab et au CHU de Rennes qui apportent leur aide et leur temps à ce projet.

Pour ne manquer aucun épisode du podcast « Qui ose vivra », n’hésitez pas à vous y abonner sur votre plateforme d’écoute habituelle (Deezer – Apple Music – Spotify…)

Bonne écoute !